
On arrivait le matin. Vers 10h, le dimanche. L’heure de la pesée. Gérard nous embarquait une heure avant à bord de sa longue CX rouge et nous conduisait au fameux gymnase Max Rousié situé à la Porte Pouchet dans le XVIIème arrondissement de Paris. On venait d’Orly, de Choisy-le-Roi, de Vitry-sur-Seine… Sur le trajet, Gérard s’arrêtait partout pour récupérer les boxeurs du club. Taxi dominical aux allures de mystérieux convoi qui glissait dans la brume matinale du périphérique parisien. Toute la banlieue dormait ou se gavait de croissants chauds. Nous, nous partions à la guerre le ventre vide. Fallait faire le poids. Sur place, Monsieur Teissonnières vérifiait rigoureusement, aux côtés des officiels, la manière dont se déroulait la pesée. Il avait l’oeil sur chacun de ses poulains qui montait sur la balance. On arborait fièrement nos tablettes, preuve de la rudesse de notre entraînement. Nos corps parlaient d’eux-mêmes. Je pense que Monsieur Teissonnières en était secrètement fier. Les jours de compétition, à Pouchet, on sentait la tension dès le matin. Pesée, visite médicale, retour à la maison pour (enfin !) manger et direction le ring pour combattre. Pouchet, dans les années 80, c’était un peu le Central des années 50. Beaucoup de boxeurs, des confrontations spectaculaires et attendues, un nombreux public de fidèles, l’odeur de l’embrocation mentholée dans les vestiaires et, à l’entracte, l’exubérance joyeuse des anciens devant la buvette. Une ambiance unique qui sentait la peur et la sueur, la fraternité et le sang. Une fête païenne autour du ring illuminé sur lequel nous devions faire nos preuves. Gagner le respect de tous. Boxer à Pouchet, à l’époque, c’était une initiation. Il fallait d’abord remporter le Challenge du 1er round, le Critérium des Espoirs, la Coupe de l’Equipe, les Aiglons… C’était un minimum pour devenir un homme. Mais surtout les prestigieuses Ceintures du Comité d’Ile-de-France ! Un titre auréolé d’une gloire légendaire. Gagner les Ceintures, c’était entrer dans la cour des grands. Je conserve précieusement la mienne dans sa boîte de carton rigide gris. Elle est scintillante comme au premier jour. Toute dorée, superbe avec son gros ruban bleu et rouge et ses trois ornements sphériques qui brillent comme des bijoux précieux. Et je suis certain que tous ceux qui l’ont conservée la regardent avec la même émotion que la mienne. J’attends vos témoignages les amis ! Nasser NEGROUCHE