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Loucif Hamani : le chorégraphe du ring !

Notre merveilleux champion Loucif Hamani, l'un des plus grands boxeurs de tous les temps pour moi.

Tous ceux qui ont eu le privilège de voir boxer Loucif Hamani savent que ce boxeur était un pur génie du ring. Il déployait une boxe d’une beauté unique, toute en feintes, en esquives et en vitesse, d’une précision incroyable.
Intouchable, doté d’un sens de l’anticipation surhumain, toujours en avance de trois coups, il rendait fou ses adversaires. Monzon, en 6 rounds de sparring, ne l’a pas touché une seule fois. A la fin, écoeuré, il déclare : « la prochaine fois, apportez-moi un boxeur, pas un fantôme ». Je n’ai jamais vu un autre boxeur, même aux Etats-Unis dans les années 80 (où j’avais eu la chance de me rendre à l’époque) faire preuve d’une telle vista.
Je l’ai déjà écrit il y a quelques années : à mes yeux, Hamani était plus doué que Léonard (dont j’admire aussi la très grande classe) sur le plan technique. Loucif était un chorégraphe dont la gestuelle envoûtait littéralement le public. Il a offert à la boxe parisienne certaines de ses plus belles soirées. Beaucoup en parle encore avec une lumière dans les yeux. Le Tout Paris accourait pour contempler le prodige. Les salles étaient pleines et, souvent, il n’y avait plus aucune place de disponible quinze jours avant la rencontre.

De gauche à droite : notre regretté professeur Julien Teissonnières, Loucif Hamani, sa défunte maman, Ahmed Mekoues et Gérard Teissonnières, tous deux également disparus.

Nous avons eu, avec mes camarades du BC Choisy-le-Roi, la chance de nous entraîner avec lui pendant des années. Chaque soir, nous assistions, médusés, à un show d’une magie indescriptible. C’était un rêve. J’ai aussi eu l’occasion de mettre les gants avec lui, à Choisy-le-Roi, mais aussi à Alger. Une véritable expérience mystique ! Abdel Ali Debah, excellent poids moyen et sparring régulier de Loucif, pourrait en parler mieux que moi. Le fougueux Madani Medjani, l’expérimenté Khaled Lasbeur et le styliste Philippe Wintousky, pour ne citer qu’eux, croisaient également souvent les gants avec lui.
Loucif avait une boxe instinctive, fluide, féline qui formait une émouvante création artistique. Un ballet, un tableau, une sculpture, une musique. Tout cela à la fois. Le spectacle enivrait nos sens. Sans savoir exactement pourquoi, nous ressentions profondément qu’il s’agissait d’une oeuvre d’art qui nous grandissait, nous rendait meilleurs. Il y avait, dans son direct du gauche, ses esquives, ses déplacements quelque chose de pur. Une source d’espérance nouvelle.
A l’entraînement ou les soirs de combat, on oubliait les difficultés du quotidien et on se laissait bercer par le récital gratuit offert par Loucif Hamani. Il réhabilitait la dignité des petites gens, portait haut les couleurs de l’Algérie, défendait l’honneur des familles modestes dont les enfants fréquentaient le Boxing-Club de Choisy-le-Roi. Mais en réalité, nous étions tous fiers de lui, quelles que soient nos origines culturelles et sociales.

Loucif Hamani et Emile Griffith à la fin de leur combat épique, le 9 février 1976 à Paris. Ce jour là, le boxeur de Choisy-le-Roi a infligé une magnifique leçon de boxe au grand combattant américain plusieurs fois sacré champion du monde.


Loulou transcendait les appartenances. Il parlait un langage universel qui touchait le coeur de chacun : l’ouvrier kabyle de Renault, les stars parisiennes du show-business, le fonctionnaire de police, le cafetier du coin, l’écrivain, le jeune étudiant, le cadre supérieur… Cette énorme popularité est inimaginable aujourd’hui en France. La boxe tricolore est en panne de vedette, privée de vrai champion. Loucif, lui, savait nous faire rêver, nous donner envie de nous dépasser. Il nous inspirait tant. Merci Loulou !

Nasser NEGROUCHE

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