Site icon Choisy Boxe

Le combat du siècle fait pschitt…

manny vs moneySi j’en crois les premières réactions lues sur Facebook, le duel Mayweather vs Pacquiao fut donc un combat sans grande intensité dramatique, sans véritable engagement des boxeurs et sans enchaînements spectaculaires. C’était hélas prévisible et je l’avais d’ailleurs, modestement, écrit avant. Même s’il était difficile de faire entendre une voix différente du gospel médiatique ambiant qui avait décidé – marketing (ou ignorance ?) oblige – que ce serait LE combat du siècle. Ce gigantesque événement commercial dont les recettes devaient générer plus de 400 millions de dollars ressemblait plus à un show à l’américaine qu’à un combat de boxe. Il mettait aux prises deux champions richissimes, devenus des hommes d’affaires avisés et prudents. Business is business. Plus préoccupés par la multiplication de leurs gains que par l’envie de se surpasser, ils ont offert au public un spectacle décevant. Du moins pour les vrais amateurs de boxe, capables de distinguer un vrai « fight of the century » d’une mise en scène pugilistique à la mode de Vegas. Champagne, paillettes et pay per view inclus. La crédibilité de la boxe en prend un sacré coup…
Mais ce qui est plus inquiétant, c’est la naïveté de tous ceux qui ont pu, à un moment, penser sérieusement que cet affrontement entre millionnaires désabusés pouvait rivaliser avec un Ali -Frazier, un Duran-Léonard ou encore un Hagler-Hearns. Est-ce à dire que la boxe ne compte plus de vrais connaisseurs ? C’est aussi l’exigence des (télé)spectacteurs qui doit contraindre les organisateurs à monter des plateaux de qualité, avec de vrais boxeurs qui savent boxer et non pas ces sortes de braves gladiateurs de foire qui ornent désormais trop souvent les affiches, avec d’énormes ceintures de fédérations inconnues autour de la taille. Eux aussi sont les victimes de ce nouveau boxing business qui détruit l’image de notre sport. Sympathiques et musculeux, mais incapables de donner correctement un direct ou de faire une belle esquive rotative. Le déficit de formation est souvent criant. Mon diagnostic est peut-être un peu sévère et la nostalgie de l’âge d’or de la boxe influence aussi probablement mon analyse.
Mais la boxe ne mérite-t-elle pas mieux ? Si le Noble Art a tant perdu de sa popularité, c’est aussi parce qu’il a beaucoup perdu de son authenticité ces dernières années. En boxe, on ne triche pas. Et le public français, lassé par le règne de l’artifice sur le ring, a décidé de tourner la page. On peut le comprendre ! Champions de pacotille, titres sans valeur, affrontements déséquilibrés, tensions fédérales et entraîneurs pas toujours compétents ont eu raison de sa patience. La popularité, ça se mérite.
Plus grave : l’esprit de fraternité qui régnait autrefois entre boxeurs (quel que soit le niveau) et aussi entre les clubs s’étiole. L’heure est aux clans, familiaux ou communautaires. Et même politiques dans certaines villes ! Jadis, la boxe rassemblait. Aujourd’hui, elle divise. Triste dérive. Face à ce constat, notre responsabilité est collective. Renouer avec les valeurs chevaleresques de la boxe (authenticité, dépassement de soi, courage, humilité, respect, fraternité, solidarité…) est une urgence pour redonner du souffle à notre sport. Une autre priorité, à mes yeux, est de revoir sérieusement le système de formation des encadrants, avec une exigence renforcée de compétences techniques, pédagogiques et psychologiques. Le travail à mener est un travail en profondeur, pas un ripolinage de surface. Ce sera long et difficile. Comme un championnat du monde. Titre en jeu : la survie de la boxe !

Nasser NEGROUCHE

Quitter la version mobile