Choisy Boxe

Jean Rauch, mort d’un juste

L’oeil malicieux derrière ses lunettes dorées rectangulaires, une large moustache poivre et sel toujours bien taillée, un sourire espiègle qui illuminait son visage ridé de vieux sorcier des rings et une gouaille haute en couleurs façon Audiard : Jean Rauch, entraîneur du Boxing Club Paris 20ème, est décédé jeudi 28 décembre 2017, à 73 ans, des suites d’une longue maladie qu’il aura combattu jusqu’au bout avec héroïsme. Sa disparition a provoqué un profond émoi dans le monde de la boxe.
Figure populaire de la vie pugilistique parisienne, Jeannot, comme l’appelait affectueusement ses amis, était un personnage généreux et attachant.  On le savait atteint d’un mal incurable depuis quelques années, mais chacun voulait croire au miracle. Pour Jeannot, l’homme de tous les défis et du dépassement de soi, rien ne semblait impossible. Proche des boxeurs auxquels il portait une affection paternelle, il apportait à chacun un réconfort et un appui qui allaient bien au-delà de l’enseignement du Noble Art. Entraîneur au mythique Ring Daumesnil (Paris 12ème) et au Ring de Montreuil  dans les années 70 et au début des années 80, aux côtés des grands managers Roger Bensaïd et Jean Traxel, il a formé et côtoyé de grands champions français dont la plupart étaient originaires d’Afrique. En 1987, écoeuré par les combines du Boxing business, il fonde sa propre salle à Ménilmontant, le Boxing Club de Paris 20ème, qu’il dirigera de main de maître pendant 30 ans dans une ambiance familiale. Avec une exigence absolue : protéger ses boxeurs, ne pas sacrifier leur intégrité physique et psychologique pour sa gloire personnelle, pour les titres et l’argent. A la salle, ses « enfants » l’appellent « papa » avec une bouleversante tendresse. Parmi ses plus belles réussites : Aya Cissoko, championne d’Europe et du monde dans les rangs amateurs en 2006.
Fils d’ouvrier, issu d’une famille nombreuse de Bagnolet, il était sensible à la souffrance sociale de ces combattants qui vivaient dans le dénuement. Certains, privés de logement, dormaient même à la salle chez Bensaïd et empochaient quelques dizaines de francs en échange de 3 à 6 rounds de rudes séances de sparring… Solidaire des plus démunis , Jean Rauch, a toujours contribué activement à la promotion sociale de ses poulains. Il les aidait dans leurs démarches administratives, pour obtenir des papiers, un logement ou un emploi. Dans le même temps, il motivait les plus jeunes dans leur scolarité et les incitait à poursuivre des études pour avoir plus de chances, plus tard, de s’insérer socialement. Fort de sa riche expérience humaine acquise sur le terrain, il en avait tiré une belle philosophie sur l’universalité de la condition humaine et dénonçait le poids insupportable des inégalités économiques et sociales, des humiliations et des discriminations. Son engagement résolu contre les injustices et sa foi inébranlable dans l’humanité qui est en chacun de nous lui avaient permis de transcender toutes les appartenances culturelles et identitaires. Pour Jean, il n’y avait qu’une seule vérité : celle du coeur. Et il l’a prouvé.

Nasser NEGROUCHE

4 comments

  • Bonjour à tous,

    Mes sincères condoléances à la famille du défunt.
    Je ne le connaissais pas personnellement, mais je me souviens de ce coach à Pouchet et dans les galas en IDF, il avait de bons boxeurs notamment Oulmi Djaffar et Boubacar Sanogo…

  • Il y a plus de 30 ans que je le côtoyais. Il riait tout le temps. Le vestiaire avec lui n’était jamais triste il avait le mot pour rire mais il avait aussi le mot juste. On écoutait avec attention. Salut Jeannot on t’oublie pas.

  • Bonjour a tous,

    Superbe témoignage! un homme discret il est parti avec la tête pleine d’images de vie le cœur rempli du travail accompli .

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