Choisy Boxe

Pied-noir, poings nus : un témoignage bouleversant signé Michel Acariès

Officiellement, selon Flammarion, la maison d’édition,  ce sont des Mémoires. Rien de plus qu’un recueil de souvenirs personnels qui retraceraient  le parcours tumultueux d’une épopée familiale. De Bab-el-Oued à Las Vegas, comme l’indique scrupuleusement le sous-titre de l’ouvrage. Et il est vrai que, de son enfance en Algérie à sa réussite insolente aux Etats-Unis, Michel  raconte avec sa faconde habituelle, assaisonnée d’anecdotes souvent ahurissantes, la folle saga du clan Acariès. Sa destinée d’abord, indissociable de celle de son frère Louis,  ex-champion d’Europe des poids super-welters et des moyens. Mais aussi le courage de sa maman et, surtout, le rôle immense, décisif, providentiel de son père; socle moral et spirituel jamais égalé sur lequel Michel a fondé son élévation personnelle.
Un récit enfiévré (écrit avec  le concours du talentueux journaliste et auteur Pierre Ballester, ancien grand reporter à l’Equipe) qui transporte le lecteur, en 290 pages haletantes, de la cité populaire des Vieux-Moulins à Alger, aux suites VIP des hôtels de luxe de Vegas, capitale mondiale du jeu et de la fête. L’ancien grand manitou de la boxe tricolore dans les années 90 et 2000, alors l’un des plus puissants promoteurs de la planète, raconte sans langue de bois les dessous de cet univers fascinant, ses secrets, ses codes et ses combines. « Même le boxeur – ce n’est pas un reproche – n’a qu’une vague idée de ce qui se trame en coulisse. S’il se doute que tout n’est pas catholique ou virginal comme dans un camp de louveteaux, il voit rarement au-delà de sa bourse. Pourtant, son combat dépend d’autres combats. Celui qui oppose notamment les managers, les promoteurs. Là aussi, les coups pleuvent », confie le faiseur de champions à la page 269.
Mais derrière ces lignes de vie tapageuses, entre gants de boxe, célébrités, dollars et champagne, ce sont trois lignes de coeur, plus intimes, qui résonnent en filigrane dans le texte, comme un doux murmure parmi les cris bruyants du public autour du ring. Trois ressentis personnels que je partage avec vous :

  • Le cri de détresse d’un enfant déchiré par la guerre d’Algérie, arraché à sa cité, son quartier, ses amis, son histoire… Prés de soixante ans après son écho se fait toujours entendre et la douleur est encore là, présente mais indicible. « Je n’ai jamais quitté l’Algérie, on nous a juste balancés dehors comme des sacs de charbon dans une cave »...
  • Le bouleversant chant d’amour au père, figure lumineuse et transcendante, audible pendant tout le récit pour qui sait l’entendre. Michel Acariès fils voue une reconnaissance et une admiration éternelles à Michel Acariès père. « On lui doit tout, absolument tout. C’est lui qui nous a guidés et c’est grâce à lui que nous sommes tombés dans la corbeille de la boxe ».
  • La fraternité fusionnelle, presque mystique, qui unit Michel et Louis, jumeaux de coeur et d’âme même si plusieurs années les séparent. « J’étais l’oeil de mon père, l’épaule de mon frère, et notre fusion s’apparentait à l’osmose de frères jumeaux, boxe ou pas boxe, bien que nous ayons six ans d’écart. Louis et moi étions du même sang, du même nom, de la même terre. Et de la même vie ».

Trois vérités affectives qui ont construit l’homme et alimenté sa soif de reconnaissance. A 70 ans, Michel Acariès reste dans sa tête ce garnement débrouillard et farceur qui galopait place des Trois-Horloges à Bab-el-Oued. La boxe, la gloire, les affaires ? Tout s’est passé comme dans un rêve. Qui n’a jamais effacé la déchirure originelle, la souffrance née de l’arrachement à sa terre de naissance. « La boxe, notre boxe, vient du plus profond, des batailles des entrailles, que notre condition de pieds-noirs, expulsés à coup de pompes aux fesses n’a pas apaisées ». 

Nasser NEGROUCHE

11 comments

  • Bonjour à tous,Moss tu as raison,j’avais également lu que Louis Acaries était sympathisant de l’OAS,quand on sait ce que l’OAS a fait comme exaction envers nos frères algériens j’ai eu du mal à comprendre sont raisonnement et qu’il puisse être autorisé à revenir en Algérie me pose un réel problème.Comme tu me l’a conseillé mon cher Nasser j’ai lu ce livre et dès le début j’ai été interpellé par le récit de Michel Acaries qui dit etre a peine arrivé à Alger et qu’il a voulu directement aller à Baba El Oued quartier où il a grandit et ce qui m’a choqué,c’est qu’a minuit ce jour là,il est allé frapper à la porte de la famille qui occupait leur ancien appartement sans gêne sans penser qu’a minuit ce sont des choses qui ne se font pas(il avait attendu 46 ans jusque là),quel serait sa réaction si je sonnais chez lui à minuit et que je lui dise pousse toi,je veux visiter ton appartement car j’y ai vécu,je vois là tout le mépris des pieds noirs envers les algériens sans respect et surtout sans aucune gêne,mon chère Michel l’Algerie est indépendante et populaire,ce n’es plus le pays que tes ancêtres ont colonisé et son peuple mérite ton respect(a bon entendeur),tahia Djazzair

    • Bonjour Habib et merci pour ton commentaire. Je comprends évidemment ta réaction, tu t’en doutes. Nous partageons la même histoire et nous portons en nous la mémoire collective de nos parents et aïeux. Je précise seulement qu’il est matériellement impossible que Louis Acariès ait pu être sympathisant de l’OAS puisqu’il n’avait que 7 ou 8 ans au moment des faits. Idem pour son frère qui devait avoir 12 ou 13 ans. En revanche, leur père n’a jamais caché sa proximité avec cette organisation comme je l’ai écrit dès mon premier commentaire. Autant, il me semble logique de condamner l’engagement de ce dernier pour les raisons que tu évoques à juste titre, autant je ne comprends pas qu’on incrimine des personnes qui étaient enfants au moment des faits. Pour être très honnête, il est vrai que Louis et Michel n’ont jamais renié leur père dont ils assument l’héritage. Au moins, c’est clair chez eux… Mais je te confirme une nouvelle fois que Michel Acariès (qui, comme tu le sais, n’a pas sa langue dans sa poche et n’hésite pas à dire ce qu’il pense) m’ a personnellement assuré qu’il condamnait sans réserve les massacres et exactions commises, notamment contre les civils algériens (sans oublier évidemment les autres victimes civiles européennes). Il était important pour moi de clarifier ce point avant toute chose, tu t’en doutes. Quant à l’anecdote racontée au début du livre, je crois qu’elle témoigne d’un choc émotionnel à l’arrivée à Alger. Revoir sans plus attendre l’appartement de son enfance était pour lui une sorte de besoin vital. Je ne crois pas que cela soit une marque de racisme à l’égard du locataire actuel mais plutôt l’un de ces coups de folie dont Michel est capable lorsque l’émotion le submerge. Si tu as bien lu ce passage, tu auras compris l’état psychologique dans lequel il se trouvait à ce moment-là avec Louis, son épouse et Brahim Asloum. Si le Comité Olympique Algérien les a si bien reçus, c’est que les autorités locales savent parfaitement que ni Michel ni Louis ne portent la moindre responsabilité dans les attentas commis par l’OAS. Sinon, je peux te garantir qu’il n’aurait jamais mis les pieds en Algérie. Une fois de plus, ils étaient enfants au moment des faits. Et Michel souhaitait organiser le 1er championnat du monde pro d’un boxeur d’origine algérienne en Algérie ! Qui pourrait voir là l’expression d’un racisme anti-algérien ? Amicalement. Nasser

      • Mon ami Nasser,jamais je n’ai accusé Michel Acariès d’une quelconque appartenance a cette organisation terroriste qu’était l’OAS,je disais juste avoir lu un article dans lequel Louis Acariès disait être sympathisant de l’OAS alors que je pense qu’il savait a ce moment là que l’OAS était un organisation terroriste et je tenais par là même a dénoncer les massacres de civils européens en Algérie et en particulier le massacre d’Oran d’où je suis originaire mais tout ça est du passé et bien enterré et pour en revenir a l’organisation d’un championnat du monde en Algérie.Pour Brahim Asloum,ne soyons pas dupe Nasser tu sais très bien comme moi que personne voulait de Brahim Asloum et même canal+ sont diffuseur la lâché le trouvant pas assez bon et crédible comme champion du monde et c’est là que toute la malice des frères Acariès en bons hommes d’affaires avisés les a fait chercher un mécène ayant de l’argent et la capacité d’organiser un championnat du monde pour Asloum qui était malgré son titre de championnat du monde,était devenu personna non gratat auprès des diffuseurs français et l’Algérie été a ce moment là une bonne opportunité pour y organisé son championnat du monde.Je suis heureux que ce championnat n’es pu avoir lieu,quel attachement a montré Asloum a son pays d’origine lorsqu’il a été champion olympique et tète d’affiche des soirées boxe sur canal+?AUCUN.Pour terminé,j’admire la fraternité qu’il existe entre les frères Acariès et ce qu’ils ont réalisé dans la monde de la boxe a été grandiose en s’imposant a la table des personnes qui compte,jusqu’à ce qu’un journaliste américain est écrit un jour: Respect messieurs Acariès pour vos carrières de boxeur et de promoteurs

  • Bonjour Nasser, et d’abord merci pour le regard que tu as porté sur la teneur de ce livre. Tu as bien saisi que Michel Acariès ne se pose pas en porte-drapeau de l’Algérie française mais bien au contraire en témoin d’une réconciliation jamais réellement abordée. Il n’était après tout qu’un enfant et, comme tout enfant, suivait les pas de son père. Sa nostalgie est avant tout celle de son enfance. Il aurait été tout aussi meurtri s’il était né en Guyane, à Mayotte. Son témoignage se veut pacifique, reconnaît d’ailleurs que le temps est au pardon mais l’outil politique est encore sensible puisque parler d’Algérie en France suscite d’énormes réactions et points de crispation. Comme quoi nous n’avons pas encore crevé l’abcès comme ont pu le faire les Américains avec le Vietnam par exemple. En tout état de cause, merci pour avoir apporté tes commentaires, avec le sens de la mesure, de la pondération qui sont de nature à jeter un pont entre deux rives… Bien amicalement. Pierre Ballester

    • Merci, Pierre, pour ce commentaire éclairé et éclairant… Comme toi, connaissant Michel, je sais quel homme il est réellement (au-delà de la caricature qui a été parfois faite de lui…) et quelles sont les valeurs profondes qui l’animent ainsi que son frère Louis. Tu as écrit un livre merveilleux et j’ai hâte de le voir adapté au cinéma car le sujet s’y prête admirablement. J’espère te voir bientôt. Amicalement. Nasser

  • Bonjour à tous,

    Je n’ai pas lu le livre de Michel Acariès, néanmoins j’aimerais faire une remarque sur l’un des passages de son livre publié ici-même.

    Lorsqu’il dit  » On nous a juste balancés dehors comme des sacs de charbon dans une cave  » en évoquant le départ des pieds noirs d’Algérie vers la France, il convient de rappeler que les accords d’Evian prévoyaient le maintien des européens d’Algérie qui le désiraient sur place, c’est le tristement célèbre mouvement d’extrême-droite OAS (organisation de l’armée secrète) qui est à l’origine du non moins tristement célèbre mot d’ordre  » la valise ou le cercueil  » il convient aussi de rappeler que Louis Acariès qui montait sur le ring comme « champion des pieds noirs » a revendiqué dans son autobiographie ses sympathies pour l’OAS.
    Raison pour laquelle il n’est jamais rentré en Algérie au grand dam de Brahim Asloum qui voulait faire le voyage avec lui.

    • Bonjour Moss,
      Merci pour ton commentaire. Je t’invite à lire le livre. Tu y découvriras notamment que Michel Acariès et son frère Louis, accompagné de son épouse Muriel ainsi que Brahim Asloum sont bel et bien retournés en Algérie, tous ensemble, fin octobre 2008. Michel et Louis se sont directement rendus dans le quartier de leur enfance, dans l’appartement même (d’ailleurs demeuré intact…) de leur cité des Vieux-Moulins, à Bab-el-Oued. Ils avaient pour projet d’organiser un championnat du monde pour Brahim à Alger. Ils ont été chaleureusement accueillis par le Comité Olympique algérien qui leur a fait visiter plusieurs sites qui auraient pu accueillir l’événement. Malheureusement, ce rêve ne verra jamais le jour… Pour le reste, il faut garder à l’esprit que Michel avait 12 ou 13 ans et Louis 8 ans environ au moment des faits que tu rappelles. Deux enfants ahuris devant l’évolution de la situation et qui ne comprenaient pas vraiment ce qui se passait côté politique; mais qui ressentaient simplement un profond sentiment d’injustice parce qu’on leur avait dit qu’ils devaient quitter leur cité, leurs copains, leur quartier… Amicalement. Nasser.

      • Bonjour Nasser,

        En fait, j’ai lu un article de Libération dans lequel Asloum disait que Louis Acariès ne voulait pas retourner en Algérie « de peur d’être déçu » mais cet article date en effet de mars 2007.

        Après, bien que comme tu le précises Michel et Louis étaient enfants au moment de la guerre d’Algérie, ils se sont malheureusement construits dans la mythologie des bienfaits de la colonisation, récemment encore (avril 2018) Michel Acariès dans le journal Paris Normandie disait « qu’il pensait chaque jour à son Algérie française » et « Aujourd’hui, je peux comprendre tout le monde. Je peux comprendre la colonisation, ce qu’elle a apporté de bon et de moins bon »

        A toute fin utile, je mets en lien cet article de Salah GUEMRICHE : Pour en finir avec  » les bienfaits de la colonisation  »

        Bonne journée à tous

        https://blogs.mediapart.fr/salah-guemriche/blog/280217/pour-en-finir-avec-les-bienfaits-de-la-colonisation

      • Cher Mossadek, tu sais évidemment que personne ne fait l’apologie de la colonisation sur ce blog… Si Michel Acariès n’a jamais fait mystère de son attachement à l’Algérie française (dont son père était effectivement une figure active), de la nostalgie qui le tenaille chaque jour comme la plupart des pieds-noirs hantés par leurs souvenirs d’enfance, il ne faut pas, pour autant, en faire un partisan du colonialisme « idéologique » fondé sur le racisme et la domination sociale, de ses massacres et de ses injustices. Ce serait injuste et faux. Pour en avoir personnellement parlé avec lui, je peux te dire qu’il condamne évidemment sans aucune réserve toutes ces exactions. Il a juste une déchirure au coeur. Tu dis qu’il se serait construit dans « la mythologie des bienfaits de la colonisation ». On pourrait, en suivant ta logique, nous rétorquer que nos parents se sont aussi construits dans « la mythologie des bienfaits de la révolution nationale », avec les désillusions, les déceptions et toutes les trahisons que tu connais trop bien à l’arrivée… Je ne pense pas qu’il soit pertinent de renvoyer sans cesse l’autre à ses origines, à l’histoire de ses parents, de sa communauté et aux positions extrêmes de certains membres de cette dernière. A mon sens, il est bien plus intéressant de rencontrer réellement l’autre dans sa vérité, sa singularité, ses contradictions aussi, au-delà des clichés confortables dans lesquels nous avons toujours le beau rôle… Amicalement. Nasser.

  • Bien le bonjour Nasser ! Je me remémore les années passés chez Bretonnel en compagnie de Louis et de son frero’ , et tant d’ autres boxeurs avec la nostalgie du chemin barré par  » notre Fédération  » … @+

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