Le 10 décembre 1955, au Palais des Sports de Paris, le jeune Chérif Hamia, champion de France des plumes, affronte Robert Cohen, champion du Monde en titre des poids coqs en 10 rounds de 3 minutes. Le public est venu nombreux pour assister à ce choc entre les deux natifs d’Algérie. Le combat, sans titre en jeu, a été conclu de gré à gré entre les managers respectifs des deux boxeurs, Gaston Charles-Raymond (Cohen) et Philippe Filippi (Hamia). Poids convenu : 56 kgs. Organisateur : l’inévitable Gilbert Benaïm déjà aux manettes de l’organisation à l’époque.
Sacre mondial à Bankgok
Cohen, poids coq naturel, ne craint pas de monter dans les plumes pour ce combat. Un pari osé. Et pour Hamia, boxer un kilo en dessous de son poids habituel constitue aussi une certaine prise de risque. Le jour de la pesée, Chérif affiche 55,900 kgs sur la balance. Le teint blême, il semble fatigué, comme éteint… L’effet conjugué d’un entraînement intensif et du régime de jockey qu’il s’est imposé. Cohen, lui, se présente gonflé à bloc, au poids convenu. Confiant et souriant, il est tout auréolé de la gloire que lui procure sa ceinture mondiale NBA (l’ancêtre de la WBA avant 1962) arrachée au Thaïlandais Chamroen Songkitrat (lieutenant de gendarmerie dans la vie) 18 mois plus tôt, le 19 septembre 1954, au National Stadium Gymnasium de Bangkok.
La star contre l’espoir
Figure populaire de la boxe parisienne, l’excellent Robert Cohen compte déjà 40 combats dans les rangs professionnels. Champion de France, champion d’Europe EBU, champion du Monde : il a tout gagné ! Sans jamais tricher, affrontant les meilleurs de sa catégorie sans jamais se dérober. C’est un combattant redoutable, expérimenté et dangereux. De son côté, Chérif Hamia est une vedette naissante. Il vient de défendre, 6 mois plus tôt, son titre de Champion de France des plumes face au rude cogneur Mohamed Chikhaoui. Il a tout juste 23 combats. Les deux hommes ont pratiquement le même âge : 24 ans pour le protégé de Filippi et 25 pour le poulain de Charles-Raymond. La star, ce soir-là, affronte l’espoir.
Cohen favori…
Les parieurs ont choisi leur camp : Cohen est donné favori. On lui prédit même une victoire avant la limite. Hamia n’a-t-il pas été battu par K.O au 1er round à Alger, un an plus tôt, par le Belge Louis Cabo ? Un accident qui lui vaut une fausse réputation de fragilité. Le grand public pense aussi que le vaillant Champion du Monde en titre des poids coqs viendra à bout du Champion de France des plumes. Sur le papier, le raisonnement se tient : l’expérience, le palmarès, la popularité, la puissance sont plutôt du côté du tenant du titre suprême. Seuls les observateurs avisés, qui ont su reconnaître le génie pugilistique d’Hamia dès ses débuts professionnels, font le pronostic inverse. Ils savent sa maîtrise technique parfaite, son coup d’oeil exceptionnel, son impressionnante vitesse d’exécution, son punch et sa vista. Comment Cohen pourrait-il tenir tête à ce prodige du Noble Art ?
… mais déjà au tapis au 2ème round !
Dès les premiers échanges, Hamia affirme sa supériorité. On mesure vite l’écart qui sépare les deux boxeurs. La classe, le style, la pureté des gestes sont indéniablement du côté de Chérif Hamia, l’ancien berger kabyle de Guergour qui deviendra bientôt le chouchou du Tout-Paris. A la deuxième reprise, sur un magnifique contre du droit d’Hamia, Cohen s’effondre. Il est au bord du K.O, se relevant péniblement à 9 et enfin sauvé par le gong. Le journal Le Monde daté du 13 décembre 1955 relate ainsi la scène : « C’est a la deuxième reprise que déjà se dessina la victoire de Hamia : à la suite d’un rapide une-deux, qui l’envoya au tapis. Cohen eût été K.O si le gong n’était venu lui épargner la plus cuisante des défaites ».
Hamia vainqueur avec panache
Au quatrième round, l’enfant d’Annaba se réveille et bouscule Hamia en lui assénant quelques beaux crochets. Mais c’est insuffisant pour inverser le sens du combat. Hamia règne en maître sur le ring du Palais des Sports. A nouveau au tapis et compté 8 à la 7ème reprise, Cohen tangue. Il se reprend un peu au 9ème round mais il est trop tard. De nouveau sévèrement touché à la 10ème et dernière reprise, l’arcade sourcilière entaillée, Cohen, soulé de coups est sagement reconduit dans son coin par l’arbitre. « C’est avec beaucoup de panache que Chérif Hamia, champion de France poids plume, a battu samedi soir au Palais des sports Robert Cohen, champion du monde des coqs. Sans l’Intervention de l’arbitre une minute et demie avant la fin, la victoire du jeune Algérien eût été encore plus nette », écrira le journaliste du Monde. Beaucoup de parieurs, ce soir-là, se mordaient les doigts à la sortie du Palais des Sport de Paris.
Nasser Negrouche
Le résumé vidéo du combat
Bonsoir a tous, les images du combats a la fin du reportage écrit une nouvelle fois admirablement! Apportent des informations sur les grands boxeurs des années 50 deux formidable boxeurs que sont Cherif Hamia et Robert Cohen une époque très peux mise en avant voir oublier des journalistes contemporain .
Merci Djamel ! Oui, il faut garder le souvenir de ces grands champions du passé trop souvent oubliés aujourd’hui…