Il aimait le ring et les avions. La boxe et les voyages. Orly et le Mexique. Gérard Teissonnières et son père Julien formaient un couple indissociable. Tous les soirs, le premier accompagnait le second à la salle à bord de sa longue CX rouge. Je le revois encore avec son blue jeans, son sweat Adidas et son blouson tricolore. Ses commentaires déjantés pendant la séance de culture physique (« C’est un lion et le lion mange les serpents ! »), ses vannes au premier degré (« Tu poursuis des études ou c’est les études qui te poursuivent ? ») et son côté parfois soupe au lait, notamment lorsque des gendarmes, intrigués par le drôle d’équipage que nous formions ne manquaient jamais de nous interpeller aux postes de péages autoroutiers lorsque nous allions boxer en province. Imaginez la scène : Ouhab, Djida, Debah et Marlboro entassés dans l’héroïque CX. Deux poids lourds aux physiques impressionnants, dont l’un de plus de 2 mètres, un poids moyen au visage de gladiateur africain et un poids léger explosif qui était prêt à affronter le diable en personne ! Contrôle au faciès ? En tout cas, on nous dévisageait comme des extra-terrestres. Un chauffeur blanc et quatre boxeurs peut-être un peu trop basanés au goût de la maréchaussée. Lorsqu’ils finissaient par comprendre que nous étions boxeurs (et pas des gangsters en cavale), ils nous laissaient poursuivre notre chemin avec étonnement et respect. Gérard ne cachait pas son impatience devant ces arrêts forcés qui risquaient de nous faire arriver en retard à la pesée. Lui-même ancien boxeur, il se sentait proche de nous, malgré son côté parfois un peu bourru. Et il manifestait fortement sa solidarité lorsque nous étions victimes d’une injustice sur le ring comme dans la vie. A la salle, il mettait l’ambiance. Mais il y avait aussi des tensions avec son paternel. J’entends encore Monsieur Teissonnières (qui donnait la leçon pendant que Gérard animait la séance de gym) crier : « Gérard, tais-toi !« , lorsque ce dernier abordait certains sujets délicats. Gérard, c’était un caractère ! Il savait au moins de quoi il parlait car il avait boxé longtemps. Ceux qui l’ont vu croiser les gants se souviennent d’un boxeur élégant, tenace et courageux. Un styliste appliqué et sérieux, forgé par les précieux conseils de son père. Il avait démarré à Orly, au club que Julien Teissonnières, avait créé dans le cadre de l’Amicale Sportive d’Air-France (ASAF). Il effectuera d’ailleurs toute sa carrière professionnelle au sein de la compagnie aérienne nationale. D’où ses nombreux voyages à l’étranger et sa passion pour le Mexique, un pays qui a donné de nombreux champions du monde, dont le légendaire Julio César Chavez. A elle seule, la petite ville de Tijuana a fourni 16 champions mondiaux en 20 ans. Un record ! Aujourd’hui encore, selon le classement de Ring Magazine, on dénombre 12 champions du monde mexicains en titre dans les différentes catégories de poids, toutes fédérations confondues (WBA, WBC, IBF et WBO). Sacré Gérard ! Il nous apportait un peu de rêve lorsqu’il évoquait ces boxeurs sud-américains miséreux qui devenaient millionnaires sur le ring. Passionné par la boxe, dévoué et toujours présent, il me confiait avec émotion, le jour de l’inhumation de son père : « Tu sais, c’est le plus dur des combats ». La perte de Julien, il ne l’encaissera véritablement jamais. Un KO affectif dont il ne se relèvera pas. Quelques années après, il nous quittait à son tour. J’avais appris la triste nouvelle par le Web. Un mail de Delphine, sa fille, dans lequel elle cherchait à joindre Loucif Hamani. Gérard voulait lui dire au revoir. Rendez-vous manqué hélas. Mais, je peux dire à Marie-Anne, sa courageuse épouse, à Delphine et Julien son fils (qui porte le même prénom que son grand-père) que Gérard reste bien vivant dans le souvenir de tous les boxeurs de Choisy-le-Roi. Et pour longtemps encore !
Nasser NEGROUCHE
Mr TEISSONNIERES , le peu de temps que je l’ ai croisé dans les vestiaires de l’un ou autres endroits de reunion de Boxe avait ce visage de bonté impassible . abordable . Un Monsieur.
ah oui Gérard, toujours présent dans ma mémoire et oui le style était la une personnalité très rare et franche un vrai soutien avant et après les combats dans la victoire ou dans la défaite égal a lui même.
Quel talent ! J’ai l’impression d’être spectatrice et non lectrice, les personnes revivent sous ta plume et tes anecdotes !
Merci pour ce bel hommage à Julien, Gérard et tous les anciens du boxing club de choisy.
Bravo Nasser pour ce blog, tres realiste. Je me souviens du boxing club du temps de la citroen CX bleue. Bonne continuation pour le blog.
Julien Jr TEISSONNIERES.
Merci NASSER,a tres bientot sur le net,et au plaisir de te croiser un jour.
Abdel aLI Debah
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